Moore Stephens
Fiscalité

Vente d’immeubles : revenu d’entreprise ou gain en capital?

Au moment de disposer d’un immeuble, il est primordial de déterminer la nature du revenu ou de la perte découlant de la transaction d’un point de vue fiscal. Le profit peut en effet être imposable comme un gain en capital ou comme un revenu d’entreprise, entrainant des conséquences fiscales bien distinctes.

La qualification dépend des circonstances et n’est pas toujours simple. Afin de vous aider à y voir plus clair, nous avons résumé les principaux éléments à prendre en compte. Vous trouverez également un résumé des nouvelles règles concernant les reventes précipitées de biens immobiliers résidentiels entrées en vigueur le 1er janvier 2023.

Si vous avez des revenus locatifs ou si vous prévoyez vendre une propriété aux États-Unis, poursuivez votre lecture sur notre article spécifique à ce sujet.

Qualification fiscale des revenus tirés de la vente d’immeubles : revenu d’entreprise ou gain en capital?

L’importance de bien qualifier la transaction

Un traitement de gain en capital permet que seulement 50% du revenu soit imposé, allant même jusqu’à exempter d’impôt la totalité du revenu dans certains cas, si l’exemption pour résidence principale est applicable. Si la transaction donne plutôt lieu à un revenu d’entreprise, cette exemption n’est pas disponible et le revenu doit être imposé en totalité.

Chaque transaction devra être évaluée selon ses circonstances propres. De plus, son traitement sera tributaire de la qualification du bien vendu comme un bien en inventaire ou comme un bien en immobilisation. Plusieurs facteurs, tels que l’intention du contribuable, la durée de détention du bien, ainsi que le nombre et la fréquence des transactions devront être pris en considération, mais aucun d’entre eux n’est déterminant. Il est donc possible qu’une transaction donne lieu à un revenu d’entreprise, même si l’immeuble est détenu sur plusieurs années ou encore s’il s’agit de la première transaction immobilière du contribuable.

Par ailleurs, dans son budget fédéral 2022-2023, le gouvernement fédéral a annoncé son intention d’instaurer une mesure qui qualifiera automatiquement en revenu d’entreprise le revenu tiré de la vente d’immeubles résidentiels détenus durant moins de 12 mois. Les « flips immobiliers » sont ainsi spécifiquement visés. Quelques exceptions doivent néanmoins être aménagées, comme expliqué ci-après. Par ailleurs, le gouvernement du Québec a annoncé le 9 juin dernier que les règles fiscales québécoises en la matière seront harmonisées aux nouvelles règles fédérales.

Nous vous recommandons toujours de faire évaluer les faits spécifiques à votre transaction avec l’un de nos spécialistes en fiscalité immobilière. Une analyse juste de votre situation permettra de diminuer les risques que votre transaction soit caractérisée différemment par les autorités fiscales.

Nouvelles règles annoncées concernant les reventes précipitées de biens immobiliers résidentiels

Nonobstant les critères généraux d’analyse décrits à la section suivante, dans la mesure où une personne revendra un bien immobilier résidentiel, incluant un immeuble locatif, dans un délai inférieur à 12 mois depuis son acquisition, le revenu découlant de la vente sera réputé être un revenu d’entreprise. Il ne sera alors pas possible de se prévaloir de l’exemption pour résidence principale. Cette mesure devrait s’appliquer aux dispositions ayant lieu à compter du 1er janvier 2023, tant au niveau fédéral que provincial.

Néanmoins, des exceptions seront aménagées afin de prendre en considération des circonstances pouvant faire en sorte qu’un particulier soit appelé à revendre sa propriété plus rapidement qu’escompté. Parmi celles-ci, les évènements suivants ont d’emblée été annoncés comme devant faire l’objet d’exceptions à la nouvelle présomption :

  • Décès du contribuable ou d’une personne liée;
  • Ajout au ménage, notamment dû à l’arrivée d’un enfant ou à la prise en charge au domicile de certains membres de la famille;
  • Séparation des conjoints depuis plus de 90 jours en raison de l’échec de la relation;
  • Sécurité personnelle, notamment en lien avec la violence familiale;
  • Incapacité ou maladie;
  • Changement d’emploi, si celui-ci résulte d’une situation involontaire et que la nouvelle habitation permet au contribuable ou son conjoint de se rapprocher d’au moins 40 kilomètres de son nouveau lieu de travail;
  • Insolvabilité ou disposition en vue d’éviter celle-ci;
  • Disposition involontaire de la résidence, notamment en lien avec une expropriation ou avec la destruction de la résidence.

Une liste précise des exceptions à cette règle n’a toutefois pas encore été définie, celle-ci devant faire l’objet de consultations publiques.

Critères d’analyse généraux

Afin de trancher la qualification du revenu, les tribunaux ont élaboré une structure d’analyse en plusieurs critères. Chacun d’entre eux devra être appliqué pour chaque situation. Dans le cas de transactions immobilières, des facteurs particuliers sont d’ailleurs régulièrement considérés.

Le tableau ci-dessous se veut un résumé de l’impact des différents critères d’analyse sur la qualification du revenu tiré de la vente d’un bien immeuble, tel qu’observé dans la jurisprudence.

Il est à noter que le critère dont l’analyse est généralement la plus décisive est celui de l’intention, tant primaire que secondaire. Si des éléments clairs permettent d’établir l’intention qu’avait le contribuable en acquérant la propriété, cela risque d’être déterminant et il s’agit souvent de l’élément central dans la décision des tribunaux. Un changement d’intention durant la détention peut également modifier la qualification et donner lieu à une imposition différente à compter de cette date, par exemple dans le cas de subdivision d’unités locatives pour fins de revente.

Résumé de l’impact des principaux critères d’analyse sur la qualification du revenu
  Tendance vers le gain en capital Tendance vers le revenu d’entreprise
L’intention principale Éléments démontrant que l’immeuble a été acquis comme immobilisation, notamment pour fins locatives ou pour y effectuer les activités d’une entreprise ou pour y habiter Éléments démontrant que l’immeuble a été acquis pour fins de revente à profit
L’intention secondaire Aucun élément ne démontrant qu’il y avait aussi une seconde intention à l’achat d’acquérir le bien pour fins de revente si certaines circonstances survenaient Éléments démontrant qu’il y avait aussi une seconde intention à l’achat d’acquérir le bien pour fins de revente si certaines circonstances survenaient
Les circonstances entourant la disposition Vente non sollicitée ou vente précipitée par des circonstances imprévues Démarches actives pour vendre l’immeuble
Les efforts effectués en vue de la vente Pas de démarches particulières en vue de maximiser le gain à la vente Travaux ou démarches effectués pour vendre le bien et/ou augmenter sa valeur à la vente
La période de détention Longue durée Courte durée
Le nombre et la fréquence des transactions Nombre et fréquence peu élevés Nombre et fréquence élevés, présence de « flips » immobiliers
La relation de la transaction avec les activités du contribuable Personne n’ayant pas d’autres activités reliées à l’immobilier ou au secteur des affaires Personnes ayant des activités reliées à l’immobilier ou au secteur des affaires, telles qu’un inspecteur en bâtiment, un agent immobilier, un travailleur du domaine de la construction, un comptable, un entrepreneur
La nature de la transaction et du bien disposé Immobilisation ou bien productif de revenus Bien en inventaire ou bien non productif de revenus
L’emplacement géographique du bien immeuble acquis et son zonage Zonage et emplacement conforme aux activités qui sont prétendues avoir été projetées pour l’immobilisation Zonage et emplacement non conformes aux activités qui sont prétendues avoir été projetées pour l’immobilisation
Les modalités de financement Pas de modalités de financement particulières Modalités de financement souples et favorables accordées / Ventes consécutives d’immeubles où le produit de la vente est réinvesti dans de nouveaux immeubles successivement
Le fait que la possession du bien immeuble soit partagée avec d’autres personnes L’analyse des critères susmentionnés effectuée pour les autres personnes tend vers la qualification de gain en capital L’analyse des critères susmentionnés effectuée pour les autres personnes tend vers la qualification de revenu d’entreprise

Il faut cependant toujours garder à l’esprit que chaque transaction est un cas d’espèce. Bien que ces critères puissent permettre de déterminer la qualification d’une transaction, il n’en demeure pas moins que pour certaines transactions, l’analyse des critères est partagée entre le revenu d’entreprise et le gain en capital. Des risques sont donc associés à la qualification et on ne peut prédéterminer sa nature avec une certitude absolue.

Notre équipe d’experts en fiscalité est disposée à vous aider à déterminer la nature du revenu provenant de la vente de votre immeuble, qu’il s’agisse de votre résidence principale, d’immeubles locatifs ou de « flips immobiliers ». N’hésitez pas à nous contacter pour discuter de votre situation, à savoir si votre vente sera à qualifier comme revenu d’entreprise ou comme gain en capital.

 

Article rédigé par Caroline Poulin, LL.M. Fisc. avocate en fiscalité canadienne en collaboration avec Jean-Philippe Binette CPA, LL. M. Fisc.

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