Moore Stephens
Fiscalité

Stratégie de gel et d’émission de nouvelles actions

Dans le cadre de notre série d’articles sur les régimes d’intéressement et d’avantages imposables pour les employés, l’article qui suit portera sur la stratégie de gel et d’émission de nouvelles actions qu’une entreprise peut décider d’implanter pour ses employés.

En effet, le gel d’actions et l’émission de nouvelles actions ne sont qu’une des nombreuses approches permettant d’impliquer les employés dans l’entreprise. Chaque régime a ses propres caractéristiques et peut être plus ou moins adapté en fonction des objectifs de l’entreprise et des employés.

Nous aborderons donc les grandes lignes de ce type de régimes, ses avantages et inconvénients, ainsi que son fonctionnement spécifique au niveau fiscal.

Dans le contexte actuel, où la rétention des employés clés est devenue un enjeu majeur pour les entreprises, la mise en place d’un régime d’intéressement peut être un outil précieux pour favoriser leur engagement et leur motivation.

Trouvez nos autres articles sur les divers régimes d’intéressement ici.

Survol du concept

La mise en place d’une stratégie du gel d’actions suivi de l’émission de nouvelles actions se déroule en deux grandes étapes. Voici le concept.

Qu’est-ce qu’un gel d’actions?

Premièrement, le gel des actions vise à échanger la totalité des actions ordinaires de l’actionnaire contre des actions privilégiées. La valeur des actions privilégiées reçues lors du gel est une valeur fixe correspondant à la valeur des actions ordinaires au moment de l’opération. Dans le cadre de cette opération, 100 % de la valeur de la société au moment du gel est donc attribuée aux actions privilégiées.

Au niveau comptable, l’opération de gel d’actions peut avoir un impact sur les états financiers de l’entreprise et sur les ratios financiers. Il est donc crucial de bien comprendre ces implications pour éviter des surprises désagréables. 

En termes d’implications fiscales, le gel se fait normalement sans conséquence fiscale immédiate. Cependant, il est primordial qu’une évaluation de la valeur de l’entreprise soit effectuée pour permettre de différer l’imposition.

C’est quoi émettre des actions?

Par la suite, une deuxième étape consiste à émettre de nouvelles actions ordinaires pour une valeur nominale aux actionnaires dans les nouvelles proportions désirées.

À la suite de cette opération, la plus-value passée appartient donc à l’auteur du gel par le biais des actions privilégiées alors que la plus-value future s’accumulera sur les actions ordinaires nouvellement émises qui seront détenues par l’actionnaire et l’employé. Les actions privilégiées donneront droit à des dividendes préférentiels à un taux préétabli afin d’offrir un rendement à l’actionnaire durant la période de détention, en attendant que ces actions soient rachetées par l’employé ou par la société dans le futur.

Les grandes lignes applicables au fonctionnement de ce type de régime

Dans un tel scénario, un actionnaire qui voudrait offrir d’impliquer un employé clé comme nouvel actionnaire de la société pourrait le faire de la manière suivante :

  1. Évaluation de la juste valeur marchande de la société par actions au moment du gel;
  2. Gel des actions ordinaires en actions privilégiées;
  3. Souscription à de nouvelles actions ordinaires par l’actionnaire pour une valeur nominale;
  4. Vente d’une partie des actions ordinaires en faveur de l’employé clé pour une valeur nominale;
  5. Dans certaines circonstances, et simultanément à l’étape 4, il est parfois également possible de vendre à l’employé clé une partie des actions privilégiées détenues par l’actionnaire principal.

Cette stratégie a pour avantage de permettre l’introduction d’employés clés à titre de nouveaux actionnaires à des conditions financières moins « exigeantes » pour l’employé clé au niveau du financement. En effet, les actions ordinaires sont acquises pour une valeur nominale alors que la vente de certaines actions privilégiées peut être financée par un solde de vente sur quelques années (le prix est donc payable à même les revenus futurs de l’employé clé) ou avec l’aide d’un prêt de la part d’une institution financière (ou un mixte des deux). De plus, il est possible de vendre des pourcentages d’actions ordinaires et privilégiées différents, selon les objectifs de l’actionnaire « fondateur ».

Dans le cadre d’une telle transaction, l’actionnaire réalisera un gain en capital au moment de la vente des actions à l’employé clé et, dans la mesure où il s’agit , l’actionnaire pourrait avoir peu ou aucun impôt à payer sur la transaction. L’employé clé n’a aucun avantage fiscal, déduction pour gain en capital ou impôt à payer dans cette transaction puisqu’il procède à l’achat d’actions.

Rachat des actions

En fonction de certaines conditions et certains critères précis (à savoir la notion de contrôle de l’entreprise avant et après le gel; la présence ou non d’un accord concernant l’offre de rachat des actions privilégiées; la composition de la contrepartie lors du gel), les actions privilégiées émises lors du gel devront être constatées à titre de passifs financiers à la valeur de rachat ou à titre de capitaux propres à la valeur déclarée dans les états financiers de la société. Une telle transaction peut donc avoir un impact sur la présentation des états financiers et sur les ratios.  

Cas pratique et analyse

Parlons d’un cas pratique. Récemment, une société établie dans le domaine du service aux entreprises a procédé à la mise en place d’une telle réorganisation. La société est dirigée par son actionnaire unique et seul administrateur depuis plus de 15 ans. Son travail acharné a permis à son entreprise de se créer une excellente réputation dans son domaine. L’actionnaire est présentement dans la mi-quarantaine et il souhaite, depuis quelques années, réduire son implication au sein de la société afin de pouvoir consacrer davantage de temps à sa famille et à d’autres projets.

Dans son cas, la recherche de la bonne personne pour l’épauler dans la gestion de l’entreprise n’a pas été un processus ou une décision facile. Cependant, depuis deux ans maintenant, l’actionnaire a approché et embauché une cadre exceptionnelle qui le complète à merveille. Il voit en cette employée la bonne personne pour reprendre éventuellement l’entreprise. Désirant solidifier les bases de cette relation professionnelle, l’actionnaire a décidé de présenter le projet d’actionnariat à l’employée clé, laquelle était très enthousiaste à l’idée de se voir confier des responsabilités additionnelles et d’être perçue comme la relève de l’entreprise.  

L’actionnaire désirait donc mettre en place une stratégie prévoyant l’émission d’actions ordinaires à l’employée pour attester de sa place importante au sein de l’entreprise. Il a été déterminé que l’employée pourrait souscrire à 25 % des actions ordinaires de la société lors de la première phase d’actionnariat. L’employée n’avait toutefois pas les moyens financiers de faire l’acquisition d’une participation importante dans la société. L’actionnaire hésitait donc entre procéder à un gel de ses actions suivi d’une nouvelle émission à une valeur nominale ou mettre en place un programme d’options d’achat d’actions.

Le programme d’options d’achat d’actions impliquait toutefois un haut degré de complexité dans la mise en place de la convention et l’imposition d’un avantage imposable important pour l’employée clé lors de l’acquisition des actions. De plus, l’actionnaire était convaincu de son désir de voir cette employée clé intégrer l’actionnariat de la société. Dans les deux solutions envisagées, il était également nécessaire de déterminer la valeur de la société au moment de l’opération (soit pour le gel des actions, soit pour l’octroi des options d’achat d’actions).

Dans ce contexte et dans leur cas, il apparaissait plus simple et efficace pour l’actionnaire et pour l’employée clé de procéder directement à un gel des actions suivi d’une nouvelle émission d’actions ordinaires, et d’en profiter afin que l’employée clé acquière en même temps des actions ordinaires et privilégiées de l’actionnaire initial dans les proportions négociées entre les parties. 

Cette stratégie implique néanmoins son lot de complexités puisque l’actionnaire initial se retrouve désormais avec une co-actionnaire minoritaire, laquelle détient maintenant les droits et privilèges attribuables aux actionnaires. L’actionnaire et l’employée clé doivent notamment s’entendre sur la valeur de l’entreprise pour les fins de la transaction et ainsi conclure une convention entre actionnaires afin de prévoir les paramètres de leur relation d’affaires.

En guise de synthèse, le gel d’actions suivi de l’émission de nouvelles actions peut s’avérer une stratégie efficace pour introduire de nouveaux actionnaires dans une entreprise. C’est une démarche qui demande une réflexion stratégique pour concilier les objectifs de l’entreprise, ceux de l’actionnaire initial et de l’employé clé. L’élaboration d’une telle stratégie nécessite une évaluation précise de la valeur de l’entreprise, ainsi qu’une bonne compréhension des implications fiscales et financières. Notre équipe de fiscalité peut vous aider à mettre en place une telle stratégie.

Enfin, il faut garder à l’esprit que le gel d’actions n’est pas une solution universelle. Chaque entreprise a ses particularités et ses propres ambitions. Il convient donc de bien analyser la situation avant de prendre une décision.

N’hésitez pas à nous contacter pour toute question, et à en lire plus sur le sujet grâce à notre série sur les différents régimes d’intéressement pouvant être offert à vos employés.

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