Cet article fait partie d’une série d’articles sur les régimes d’intéressements, lesquels sont une alternative intéressante pour les entreprises souhaitant améliorer la rétention d’employés au sein de leurs rangs. Notre équipe de conseillers en fiscalité canadienne a, dans les derniers mois, accompagné plusieurs entreprises dans l’élaboration et dans l’implantation de certains régimes d’intéressement, et a décidé d’écrire des articles sur le sujet afin d’informer encore plus d’entrepreneurs soucieux d’offrir le meilleur environnement de travail à leurs collaborateurs.
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Dans les articles précédents, vous avez pu comprendre le fonctionnement du régime de gratification et de bonus, des stratégies de gel et d’émission de nouvelles actions ainsi que de l’option d’achat d’action. Nous nous intéressons ici au régime d’actions fictives.
Survol du concept
La mise en place d’un régime d’actions fictives, aussi appelées unités fantômes, vise à émettre des unités en faveur de certains employés, dont la valeur est calquée sur la valeur des actions réelles détenues par les actionnaires. En vertu de ce régime, les employés clés qui participent au régime ne détiennent donc pas réellement d’actions, mais uniquement des actions fictives sur lesquelles ils pourront bénéficier de la plus-value, le cas échéant.
Les grandes lignes applicables au fonctionnement de ce type de régime
Comme ce type de régime est flexible, il est possible d’octroyer aux employés clés le bénéfice de la valeur totale des unités fictives reçues ou encore uniquement l’accroissement de valeur relative à ces unités sur une période de temps. Les objectifs et modalités du régime peuvent être modulés au gré de la direction et selon la rédaction du régime. De plus, le bénéfice attribuable aux unités fictives peut être sujet à une multitude d’éléments déclencheurs tels que, par exemple, le départ à la retraite, une transaction de vente, un nombre d’années travaillées au sein de l’entreprise ou un événement de liquidité important comme une ronde de financement.
Le principal défi avec ce type de régime est d’être en mesure d’évaluer la valeur des actions fictives et de bien définir les paramètres financiers applicables à l’octroi et au paiement des actions. Lorsqu’une société publique met en place un tel régime, il est facile de suivre la valeur des actions fictives puisque cette valeur est disponible sur les différents marchés boursiers. Toutefois, cela est un tout autre défi lorsqu’il s’agit d’une entreprise privée dont la valeur des actions n’est pas listée sur un marché externe.
À titre d’exemple, certaines entreprises privées feront coïncider le paiement aux employés des bénéfices attribuables aux unités fictives avec une transaction portant sur les actions de l’entreprise. Cette solution permet d’avoir une évaluation précise de la valeur des actions de la société. Toutefois, cette validation externe de la valeur des actions de la société n’est pas toujours disponible. Par exemple, lorsque le paiement survient lorsqu’un employé prend sa retraite, l’évaluation de la valeur des actions de la société privée peut représenter un enjeu. Bien qu’il soit possible de prévoir une formule portant sur le chiffre d’affaires de l’entreprise ou sur un BAIIA redressé, cette démarche demeure toujours délicate et arbitraire.
Le deuxième élément important entourant ce type de régime demeure de bien définir les événements déclencheurs qui permettront aux employés clés de recevoir la valeur des actions fictives ou l’accroissement de valeur selon les termes du régime. Une documentation claire et complète du régime est primordiale, puisque cela aura un impact sur les liquidités de l’entreprise et la motivation des employés clés.
En règle générale, le montant reçu par l’employé relativement à la valeur des unités fictives ou l’accroissement de valeur des unités sera traité comme une rémunération imposable (salaire), ce qui engendrera également une déduction pour la société. En vertu de ce type de régime, les employés ne peuvent donc pas bénéficier d’un traitement de gain en capital relativement aux actions fictives.
Comptabilisation et présentation aux états financiers
Pour ce qui est de la comptabilisation et de la présentation aux états financiers d’un tel régime, les normes comptables canadiennes pour les entreprises à capital fermé (NCECF) prévoient des règles spécifiques pour les rémunérations et autres paiements semblables. Ainsi, une entreprise qui met en place un régime d’actions fictives pour rémunérer des employés doit généralement comptabiliser une charge salariale pour la plus-value des actions, ainsi que le passif y afférent.
Dépendamment des modalités prévues au contrat, l’évaluation et la méthode de constatation de la charge salariale varieront d’un régime à l’autre et peuvent devenir complexes dans certains cas. Finalement, les enjeux reliés à l’évaluation des actions pour les entreprises à capital fermé peuvent être importants, engendrer beaucoup plus de travail et rendre complexe la comptabilisation des éléments.
Cas pratique et analyse
Récemment, une société bien établie dans son secteur d’activité et comptant plus de 200 employés a contacté l’équipe de Demers Beaulne afin de mettre en place un régime d’intéressement pour certains de ses cadres et employés clés. L’objectif de la direction était que l’entreprise poursuive sa croissance tout en ciblant certains éléments opérationnels clés afin de la rendre plus compétitive vis-à-vis de ses principaux concurrents.
Les dirigeants sont convaincus que leur entreprise a un fort potentiel et qu’avec la contribution de ses employés, la société est vouée à un avenir prometteur. Ultimement, les dirigeants souhaitent rendre la société attrayante afin de pouvoir la vendre à une valeur élevée dans un horizon de 10 ans. Les dirigeants veulent donc implanter un régime d’intéressement participatif pour les employés clés de l’organisation, lequel régime permettra de mobiliser les employés et poursuivre le plan stratégique.
Les dirigeants visent initialement 3 cadres d’expérience avec ce régime puisque ces derniers seront les principaux alliés des changements qu’ils veulent apporter au sein de l’entreprise. Cependant, les dirigeants souhaitent que le régime d’intéressement soit suffisamment flexible pour permettre l’ajout de nouveaux employés clés au sein du programme dans les prochaines années.
La direction souhaite maximiser les liquidités disponibles au sein de l’entreprise et donc éviter les sorties de fonds à court terme. La direction désire également lier le régime à un événement de liquidité ou une transaction potentielle sur un horizon de moyen-long terme, soit 7 à 10 ans. Considérant les objectifs de la direction, la mise en place d’un régime annuel de gratification et de bonus en fonction de la performance des employés et de l’entreprise n’a pas été retenue puisque cela ne permettait pas de préserver les liquidités de l’entreprise.
Les dirigeants ont également considéré la mise en place d’un régime d’options d’achat d’actions. Cependant, après avoir analysé les implications liées à la mise en place d’un tel régime, cette solution a été écartée. En effet, la mise en place d’un régime d’options d’achat d’actions aurait donné aux employés sélectionnés des droits attribuables à ceux des actionnaires minoritaires et les dirigeants ne se sentaient pas à l’aise d’avoir des employés comme co-actionnaires au sein de l’entreprise. À titre d’actionnaires, les employés clés auraient eu accès à une multitude d’informations financières, administratives et opérationnelles, ce que les actionnaires actuels ne souhaitent pas.
Un régime d’actions fictives a finalement été mis en place afin d’octroyer aux 3 employés clés sélectionnés la possibilité de recevoir jusqu’à 5 % chacun de la plus-value de la société à compter de la date d’octroi des actions fictives. Dans le cadre de la rédaction du régime, il a été déterminé que le bénéfice attribuable à la plus-value des actions fictives serait remis aux employés à la plus rapprochée des deux dates entre le moment de la vente des actions de la société en faveur d’un tiers et le départ à la retraite de l’employé après un certain nombre d’années de travail au sein de l’entreprise. Au moment de l’octroi des actions fictives, la valeur des actions a été fixée selon un rapport d’évaluation externe. Par la suite, pour toute transaction interne future, il a été convenu que la valeur des actions serait déterminée par le biais d’une formule précise, laquelle formule est basée sur un multiple de BAIIA redressé. De plus, en cas de transaction de vente externe, il est prévu que c’est la valeur des actions au moment de la transaction qui prévaudrait pour les fins du régime d’intéressement.
Bien que la rédaction de la convention relative à ce régime ne soit pas une mince affaire, la direction et les employés voyaient tous d’un bon œil la mise en place de ce régime d’intéressement.
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