Présente dans toutes les régions du Québec, l’industrie agroalimentaire est une composante essentielle de l’économie et du quotidien des citoyens. Elle va bien au-delà de la production primaire, en englobant aussi la transformation, la distribution et la vente au détail, et soutenant ainsi une chaîne de valeur importante pour les économies locales.
Avec plus de 75 000 entreprises, ce secteur dynamique contribue à l’autonomie alimentaire de la province et stimule l’innovation. Cependant, il doit faire face à de nombreux défis : rareté de la main-d’œuvre, changements climatiques, pression des marchés internationaux, évolution des comportements des consommateurs et transformations technologiques.
Des performances contrastées en 2023
En dépit de ces enjeux, les entreprises bioalimentaires ont maintenu de solides performances en 2023, selon Le bioalimentaire économique, Bilan de l’année 2023, publié par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). La hausse des prix a soutenu une partie de cette croissance, bien que les augmentations aient été moins marquées qu’en 2022. Les Québécois ont néanmoins ressenti cette inflation alimentaire dans leur panier d’épicerie, alors que les prix ont augmenté de 8,3 % pour les aliments et les boissons non alcoolisées, un taux nettement supérieur à l’inflation générale de 4,5 %.
Le produit intérieur brut (PIB) réel de l’industrie bioalimentaire a crû pour la troisième année consécutive en 2023, augmentant de 0,9 % pour atteindre 29,5 milliards de dollars (G$), soit 6,9 % du PIB québécois. Toutefois, ce chiffre reste en dessous du sommet de 30,2 G$ atteint avant la pandémie.
Si on analyse de plus près ces données, certains segments de l’industrie s’en tirent mieux que d’autres. Celui de la restauration commerciale et des débits de boissons ont été les moteurs de la croissance, affichant une augmentation de 5,2 % en 2023. Cependant, avec un PIB réel de 5,8 G$, ce sous-secteur n’a pas encore retrouvé son niveau pré pandémique de 6,8 G$.
Agriculture et pêcherie
Les résultats sont plus mitigés dans le domaine de l’agriculture et des pêcheries qui ont vu leur PIB diminuer de 4,9 %, tandis que la transformation alimentaire a progressé légèrement (+0,5 %). Les grossistes et les magasins d’alimentation traditionnels ont enregistré des baisses respectives de 1,1 % et 2,2 %, prolongeant une tendance baissière amorcée en 2022.
Pénurie de main-d’œuvre : un enjeu persistant
Avec 530 085 travailleurs, en hausse de 2,6 % par rapport à l’année précédente, le secteur agroalimentaire québécois a presque retrouvé son niveau d’emploi pré pandémique, mais la pénurie de main-d’œuvre reste une préoccupation majeure et affecte tous les segments de l’industrie.
Emplois en agroalimentaire au Québec
Dans la transformation alimentaire, il y aurait quelque 7 000 emplois non comblés dans la province. Cela représente le quart de tous les postes vacants au pays, soit 28 000, selon Aliments et boissons Canada.
L’agriculture, quant à elle, peine à embaucher localement et s’appuie de plus en plus sur les travailleurs étrangers temporaires (TET) pour combler ses besoins en main-d’œuvre, une tendance qui ne cesse de s’accentuer au fil des ans. En 2022, le secteur agricole canadien employait 64 660 TET, une majorité d’entre eux étant déployés au Québec et en Ontario.
Ce nombre élevé s’explique par des obstacles spécifiques pour recruter localement, notamment l’emplacement des entreprises en zones rurales et la nature physique du travail. Le manque d’accès aux services de garde freine aussi la participation des femmes dans ce secteur. La rétention est un autre casse-tête pour les exploitants agricoles, le taux de roulement des employés agricoles étant particulièrement élevé.
Les primes à la signature ou autres incitatifs mis en place par les employeurs ne semblent pas être des mesures suffisantes pour attirer et retenir les candidats. En 2022, deux entreprises agricoles sur cinq n’ont pas trouvé tous les employés dont elles avaient besoin, selon le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture (CCRHA). Le déficit de travailleurs risque de se creuser encore plus alors qu’il y aurait plus de 85 300 départs à la retraite dans les fermes canadiennes d’ici à 2030.
Les technologies à la rescousse
L’automatisation est souvent présentée comme une des réponses à la pénurie de main-d’œuvre. Cependant, plusieurs obstacles ralentissent son adoption. Les coûts élevés des technologies et le manque d’infrastructures numériques, notamment l’accès à une connexion Internet à haut débit dans les zones rurales, freinent l’essor de l’automatisation.
Malgré ces difficultés, certaines entreprises voient dans la modernisation de leurs processus la voie à emprunter pour augmenter leur productivité et rester compétitives. Le portrait de l’utilisation des technologies dans le secteur agricole au Québec montre une adoption croissante de diverses solutions avancées, avec une nette progression au cours des dernières années, selon le MAPAQ.
En 2021, environ 19 % des fermes laitières au Québec utilisaient des trayeuses entièrement automatisées, ce qui représente une augmentation par rapport à 2016, où seulement 8 % des fermes en possédaient. Cette tendance est particulièrement marquée dans les grandes fermes qui génèrent des revenus bruts supérieurs à 500 000 $. Un peu plus de 3 400 fermes, soit une sur neuf, se sont dotées d’un système de direction par guidage automatisé sur leurs équipements agricoles. Ces technologies, qui assurent une application précise des solutions phytosanitaires et des substances nutritives dans les champs, sont particulièrement répandues chez les producteurs de grains et d’oléagineux (31 %) de même que dans les fermes maraîchères (24 %).
Face à l’utilisation croissante des technologies, le développement des compétences des employés devient toutefois un enjeu important. La perception générale des métiers de l’agriculture comme étant peu qualifiés nuit à l’attraction de nouveaux talents. Près de 64 % des employeurs estiment que les employés embauchés manquent des compétences nécessaires pour réussir dans ce secteur, ce qui freine les possibilités de croissance et d’innovation, selon Agriculture et Agroalimentaire Canada.
Diversification des marchés (export)
L’an dernier, les exportations bioalimentaires du Québec ont atteint 11,9 G$, une progression de 3,3 % par rapport à 2022. Bien que positive, cette croissance est inférieure à celle observée en Ontario (+9,4 %) et dans l’ensemble du Canada (+6,4 %). Cet écart s’explique notamment par la baisse des exportations dans certains secteurs clés. La viande porcine, principal produit d’exportation du Québec, a connu une troisième année consécutive de baisse (-7 %). Quant aux ventes de poissons et fruits de mer à l’étranger, elles ont reculé de 22 %.
Cependant, d’autres secteurs ont compensé ces baisses : les oléagineux ont vu leurs exportations augmenter de 25 %, reflétant une demande mondiale croissante pour ces produits. Les produits céréaliers (+25%) et les céréales non transformées (+12 %) ont aussi soutenu la croissance de même que les viandes de volaille et œufs, qui ont enregistré une hausse de 16 %, avec une augmentation de 53 % depuis 2020.
Les États-Unis restent le principal partenaire commercial du Québec, absorbant 8,1 milliards de dollars des exportations, soit une hausse de 3 %. Toutefois, les ventes vers d’autres marchés clés, comme l’Union européenne, la Chine et le Japon, ont montré des signes de ralentissement, en grande partie en raison de la baisse des exportations de viande porcine vers ces pays.
Face à cette situation, le Québec a diversifié ses marchés d’exportation. Des partenaires moins traditionnels comme l’Iran, le Royaume-Uni, l’Algérie et Taïwan, entre autres, ont contribué significativement à la croissance. Ces nouveaux marchés ont représenté 8 % des exportations l’an dernier, soit une hausse impressionnante de 157 % par rapport à 2022.
En parallèle, les importations bioalimentaires du Québec ont continué leur progression en 2023, atteignant 10,3 G$, soit une augmentation de 5 % par rapport à 2022. Cette hausse s’explique en partie par la forte dépendance du Québec à certaines matières premières, telles que le sucre de canne brut et les fèves de cacao, qui ont vu leurs importations augmenter respectivement de 74 % et 19 %.
Si les accords commerciaux internationaux offrent des opportunités intéressantes pour les entreprises agricoles, notamment avec l’Asie-Pacifique, ils introduisent également une plus grande concurrence, en particulier avec l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), qui autorise une augmentation des exportations américaines vers le Canada, notamment en produits laitiers et de volaille.
Malgré tout, le Québec a conservé un solde commercial positif en 2023, s’élevant à 1,6 G$. Toutefois, cet excédent est en diminution par rapport au sommet de 2,2 milliards atteint en 2021.
Des changements clés pour un avenir durable
À l’horizon 2050, la demande agricole devrait être 50 % plus élevée que celle de 2013 en raison de la croissance démographique mondiale, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Si cela crée des perspectives de croissance intéressantes pour le secteur agroalimentaire, la situation impose également des changements importants pour que les entreprises puissent soutenir la demande. L’accent devra être mis sur une agriculture verte, selon une récente étude de McKinsey. Tout un défi considérant que le secteur agroalimentaire a été responsable d’environ 30 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES).
L’innovation comme partenaire de la croissance durable
Pour adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement, McKinsey a identifié des pistes de solutions :
Favoriser l’essor de l’agronomie régénératrice : bien qu’elle gagne du terrain, les exploitants agricoles doivent accélérer le pas dans ce domaine. L’agronomie régénérative est un ensemble de pratiques agricoles qui visent à restaurer et à améliorer la santé des sols, la biodiversité et les écosystèmes tout en produisant des aliments de manière durable. En raison du changement climatique, les événements météorologiques extrêmes comme les sécheresses, les inondations ou les vagues de chaleur deviennent plus fréquents. L’agronomie régénérative, en renforçant la structure des sols et en augmentant leur capacité à retenir l’eau, permet aux cultures de mieux résister à ces chocs climatiques. Elle rend ainsi les fermes plus résilientes.
Repenser l’utilisation des terres agricoles : elles ne doivent plus seulement être exploitées pour la production, mais aussi pour la préservation de la biodiversité et la séquestration du carbone. Il s’agit de créer de la valeur foncière au-delà des cultures. Des pratiques comme l’agroforesterie (combinaison d’arbres et de cultures) pourraient non seulement contribuer à la préservation des sols, mais aussi créer de nouvelles sources de revenus, notamment via les crédits de carbone.
Réduire les déchets alimentaires : avec près de 30 % de la nourriture gaspillée mondialement, la réduction des déchets devient cruciale. Parmi les sources d’amélioration, il y aurait un meilleur stockage des récoltes, grâce à des solutions d’entreposage frigorifique alimentées par énergie solaire, et la valorisation des déchets alimentaires en aval, qui pourraient être convertis en énergie ou en compost.
Diversifier la production alimentaire : la transition vers des sources de protéines plus durables est en marche. Les protéines végétales et la viande cultivée en laboratoire sont en plein essor, avec un marché potentiel de plus de 25 milliards de dollars d’ici 2030 pour la viande cultivée. Cependant, des défis persistent, notamment en matière de coûts de production et d’acceptation par les consommateurs.
Répondre à la demande des consommateurs
Dans cette transition vers la durabilité, l’adoption des critères ESG (environnement, société et gouvernance) dans les stratégies et modèle d’affaires des entreprises n’est plus une option, elle devient une nécessité pour conserver un avantage concurrentiel sur le marché mondial.
Les consommateurs sont de plus en plus préoccupés par le changement climatique et la durabilité environnementale, et ces inquiétudes se reflètent dans leurs habitudes d’achat quotidiennes. Selon une récente étude menée par Boston Consulting Group (BCG), le secteur alimentaire est particulièrement concerné par cette tendance.
L’enquête révèle que 77 % des consommateurs sont soucieux de se procurer des aliments à faible impact environnemental, et 10 % en font une priorité absolue. Cela fait en sorte que le marché des produits alimentaires répondant aux critères durables connaît une croissance significative. Entre 2015 et 2021, les ventes pour ces aliments ont augmenté 2,7 fois plus rapidement que celles des produits conventionnels. En 2022, ils représentaient 17 % de part de marché, en hausse de 3,3 % depuis 2015.
Ce qui peut freiner la progression, c’est le prix de ces aliments puisqu’une faible proportion des consommateurs se dit prête à payer une prime pour des produits écoresponsables.
Nous pouvons vous aider dans votre transition pour un avenir plus écoresponsable et pour vous assurer une pérennité. N’hésitez pas à contacter notre équipe en transformation ESG pour obtenir plus d’information ou pour démarrer le processus.