Préparer son entreprise à la hausse des tarifs douaniers

Frais de douane au Canada

Droits de 25 % sur l’acier et l’aluminium, tarifs douaniers frappant les produits canadiens, menaces de nouvelles représailles… L’administration Trump durcit le ton avec des mesures protectionnistes qui pourraient bouleverser l’économie canadienne. Pour les PME dépendant du commerce transfrontalier, l’impact de ces tensions commerciales pourrait être considérable : hausse des coûts, marges réduites, incertitude grandissante. Malgré que les gouvernements promettent un soutien aux industries touchées, chaque entreprise doit anticiper et s’adapter. Quelles stratégies mettre en place pour mitiger les risques et protéger sa rentabilité ? Voici des pistes concrètes pour naviguer dans cette nouvelle réalité.

1. Examiner ses contrats et sa chaîne d’approvisionnement

Les nouveaux tarifs douaniers auront des répercussions directes sur la chaîne d’approvisionnement, entraînant des coûts accrus pour les fabricants et les importateurs. Un premier réflexe est de revoir en détail les contrats d’approvisionnement et de vente afin d’identifier :

• Les clauses d’ajustement des prix en cas de hausse des coûts.
• Les dispositions permettant une résiliation en raison des modifications tarifaires.
• Les possibilités d’exonération ou d’aménagement des termes du contrat.

Il est également conseillé de procéder à une évaluation détaillée des responsabilités concernant le paiement des droits de douane. Cette clarification permettra de mieux comprendre les obligations financières et de préparer des stratégies de négociation appropriées avec les partenaires commerciaux. Les entreprises doivent également anticiper les demandes de leurs partenaires commerciaux concernant le partage des coûts supplémentaires et préparer des réponses adaptées.

2. Analyser sa situation financière sous plusieurs scénarios

Face à l’incertitude, les entreprises doivent anticiper différents scénarios financiers en tenant compte de plusieurs variables :

• Hausse effective des tarifs et impact direct sur les coûts de production.
• Réduction possible du volume des exportations due à une baisse de la demande aux États-Unis.
• Hausse des coûts des matières premières et autres intrants.

À ce stade, une analyse de sensibilité est essentielle, car elle permet à l’entreprise d’identifier les facteurs qui ont un impact direct sur sa rentabilité et d’être mieux préparée à réagir en cas de fluctuations. Pour la réaliser, il faut commencer par calculer le seuil de rentabilité en divisant les coûts fixes par la marge brute. Ensuite, il s’agit d’identifier les facteurs critiques spécifiques aux activités de l’entreprise — généralement les ventes et la marge brute, mais aussi d’autres variables comme le prix des matières premières ou le taux de change selon son secteur.

Il importe de projeter ensuite différents scénarios en faisant varier ces facteurs et analysez leur impact sur la rentabilité et les liquidités. Par exemple, quel sera l’effet d’une baisse de 10 % des ventes ou d’une hausse de 5 % du coût des matières premières ? Cette démarche permet d’anticiper les conséquences potentielles de ces variations et de préparer des stratégies pour y faire face. Enfin, il est important d’inclure l’impact des variations sur les liquidités, afin de s’assurer que l’entreprise dispose des fonds nécessaires pour absorber les changements sans mettre en péril sa stabilité financière.

3. Diversifier les chaînes d’approvisionnement

La diversification des sources d’approvisionnement devient une stratégie à envisager pour réduire la dépendance envers les marchés à risque. Les entreprises doivent explorer activement les possibilités d’approvisionnement dans des pays non affectés par les tarifs douaniers. Cette démarche implique une évaluation approfondie des fournisseurs potentiels, de leur fiabilité et de leur capacité à répondre aux standards de qualité requis.

Une attention particulière doit être portée aux opportunités d’approvisionnement interprovincial, particulièrement dans le contexte actuel où une volonté de simplification des échanges commerciaux entre les provinces canadiennes émerge. Les entreprises peuvent également envisager une stratégie d’emmagasinage stratégique, en constituant des stocks de matières premières ou de produits finis avant l’entrée en vigueur des nouveaux tarifs. Cette approche, bien que nécessitant un investissement initial important, peut permettre d’atténuer l’impact immédiat des hausses tarifaires.

4. Optimiser la structure de coûts

L’optimisation des coûts devient stratégique face à la menace des tarifs douaniers. Les entreprises doivent entreprendre un examen ligne par ligne de leurs dépenses pour identifier les possibilités d’économies. Cela implique une analyse approfondie de l’efficacité opérationnelle, en commençant par les questions fondamentales sur les coûts des matières premières, les frais fixes et les possibilités de modification des produits pour réduire les coûts de production.

La productivité représente un levier essentiel dans cette démarche d’optimisation. Les entreprises doivent examiner leurs processus actuels pour éliminer les gaspillages et améliorer l’efficacité, notamment en s’assurant de tirer pleinement parti des investissements technologiques déjà réalisés. L’adoption de nouvelles technologies, comme l’automatisation et l’intelligence artificielle, peut également contribuer à réduire les coûts opérationnels. Les investissements dans la productivité, même en période d’incertitude, peuvent s’avérer essentiels pour maintenir la compétitivité.

5. Développer une stratégie de tarification adaptative

La révision de la stratégie de tarification nécessite une approche nuancée et flexible. Bien que la solution la plus simple soit de transférer le coût des tarifs douaniers aux clients, cette approche n’est pas toujours viable dans un marché concurrentiel. Les entreprises doivent donc développer une politique de tarification plus sophistiquée, basée sur une compréhension approfondie de ce que leur clientèle est prête à payer et de ce que la concurrence facture.

L’introduction d’une tarification par paliers peut permettre de répondre aux besoins de différents segments de clientèle. Les entreprises peuvent également envisager d’ajouter des services à valeur ajoutée pour justifier des prix plus élevés. La charge des droits de douane peut être répartie stratégiquement sur l’ensemble de la gamme de produits, en augmentant les prix sur les produits à plus forte marge ou sur les marchés moins sensibles aux prix pour compenser l’impact sur les segments plus vulnérables. Cette option nécessite un suivi constant des réactions du marché et une capacité d’adaptation rapide aux changements de comportement des clients.

6. Transformer les défis en nouvelles occasions d’affaires

Les tensions commerciales représentent indéniablement un défi, mais elles offrent néanmoins une opportunité de repenser les modèles d’affaires traditionnels et d’explorer de nouvelles voies de croissance. L’agilité et la capacité d’adaptation deviennent des atouts majeurs pour conserver sa compétitivité. Plusieurs approches peuvent être privilégiées :

Consolider ses acquis

La pénétration du marché représente une avenue stratégique particulièrement attrayante pour les entreprises. Cette approche vise à accroître sa présence auprès de sa clientèle actuellement desservie, en s’appuyant exclusivement sur sa gamme de produits. Plusieurs mesures concrètes peuvent être envisagées dans ce cadre :

• Renforcer les relations avec la clientèle existante en identifiant leurs besoins non comblés et en trouvant des moyens de leur vendre davantage;
• Accroître les efforts de marketing via des campagnes publicitaires plus ciblées sur les réseaux sociaux;
• Offrir des promotions et des rabais à durée limitée pour encourager les achats;
• Améliorer le service à la clientèle en formant adéquatement les équipes et en recueillant les commentaires des clients;
• Améliorer la disponibilité des produits en s’assurant que les articles populaires sont toujours en stock.

Explorer de nouveaux horizons

Il s’agit d’introduire des produits existants sur de nouveaux marchés. Le développement de marchés dans de nouvelles villes, provinces ou régions au Canada pourrait être l’un des moyens les plus rapides de remplacer la perte de revenus due aux tarifs douaniers. Les entreprises peuvent également explorer de nouveaux pays où leurs produits ne sont pas soumis aux mêmes tarifs douaniers, notamment grâce aux accords de libre-échange que le Canada a avec l’Union européenne et plusieurs pays de l’Asie-Pacifique. Les études de marché sont essentielles pour une stratégie d’entrée réussie. Il est recommandé d’explorer plusieurs marchés potentiels avant de se concentrer sur deux ou trois marchés à étudier plus en profondeur.

Une autre approche consiste à cibler de nouveaux segments de clientèle non encore exploités, comme différents groupes d’âge ou niveaux de revenus. Il faut aussi regarder la possibilité de former des partenariats stratégiques avec des distributeurs ou agents commerciaux locaux ayant une bonne connaissance de marchés spécifiques.

Innover pour s’adapter

Le développement de nouveaux produits pour ses marchés actuels représente une troisième voie stratégique. Ces initiatives visent soit à créer des produits qui contournent les tarifs douaniers, soit à attirer de nouveaux segments de clientèle.

Les entreprises peuvent envisager de :

• Créer des produits utilisant des matériaux ou des composantes non assujettis à des tarifs douaniers;
• Élargir leur gamme de produits avec des offres complémentaires pour réduire l’incidence des tarifs douaniers sur un produit particulier;
• Investir dans la recherche et le développement pour créer des produits novateurs qui différencient l’entreprise;
• Collaborer avec des partenaires pour élaborer conjointement de nouveaux produits, permettant de partager les coûts et les risques.

Diversifier son offre représente l’option la plus risquée, mais potentiellement la plus transformatrice. Cette stratégie peut inclure l’acquisition d’entreprises pour accéder rapidement à de nouveaux produits ou à du personnel qualifié ou la création de coentreprises, notamment pour faire fabriquer des produits dans une autre juridiction à un prix similaire ou inférieur.

7. Renforcer ses équipes

Au-delà des stratégies classiques visant à accroître la part de marché, un élément souvent sous-estimé joue un rôle clé dans la performance d’une entreprise : le bien-être des employés. C’est d’autant plus important lors des périodes difficiles, alors que la motivation et l’engagement des équipes deviennent un levier essentiel pour réussir une transformation.

Les interactions entre les employés et les clients sont déterminantes dans la perception de la marque. Former et sensibiliser les équipes à l’importance de l’expérience client permet non seulement de renforcer la satisfaction, mais aussi d’augmenter les ventes auprès de la clientèle existante.

L’augmentation des efforts marketing, l’adoption de nouvelles stratégies promotionnelles ou encore la refonte des méthodes de vente peuvent générer du stress et de l’incertitude au sein des équipes. Un accompagnement adapté permet d’éviter une baisse de l’engagement et d’assurer une transition fluide. Il sera important d’expliquer aux employés pourquoi ces ajustements sont nécessaires et quels bénéfices ils en tireront afin de susciter leur adhésion aux nouvelles initiatives. Organiser des rencontres régulières pour recueillir les préoccupations et y répondre de manière proactive de même que célébrer les réussites renforce l’esprit d’équipe.

Les employés, notamment ceux en contact direct avec la clientèle, peuvent être de véritables ambassadeurs des produits et services de l’entreprise. La mise en place de programmes de reconnaissance pour récompenser les performances des employés, que ce soit par des incitatifs financiers, des journées de congé ou des avantages, contribue à motiver les équipes. Donner la possibilité aux équipes de proposer des idées d’amélioration des produits ou des stratégies de vente favorise également leur implication et leur sentiment d’appartenance à l’entreprise.

Un personnel motivé, bien accompagné et valorisé, sera non seulement plus productif, mais aussi plus à même de contribuer activement à la croissance de l’entreprise.

Vous avez plus de questions? Nous y répondons.