Moore Stephens
Actualité canadienne

Transformation numérique : un virage à plusieurs vitesses

La transformation numérique est bien engagée dans les entreprises québécoises, mais son rythme varie fortement selon la taille des organisations et le secteur d’activités. C’est ce qui ressort de l’étude L’état de la numérisation des entreprises au Québec, publiée par Léger en 2024 pour Investissement Québec et le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie.

L’enquête, réalisée auprès de centaines d’entreprises québécoises de tous secteurs, brosse un portrait nuancé où coexistent dynamisme technologique et retards préoccupants.

Des investissements croissants… mais pas toujours payants

Deux tiers (66 %) des entreprises ont investi dans le numérique au cours des trois dernières années, et 57 % prévoient le faire au cours des 12 prochains mois. La moyenne des investissements grimpe à plus de 300 000 $ dans les grandes entreprises, contre à peine 10 000 $ pour celles de moins de cinq employés.

Malgré ces efforts, la satisfaction demeure mitigée : à peine 45 % des entreprises ayant investi dans le numérique se disent satisfaites du retour sur investissement. Le taux de satisfaction grimpe à 62 % dans les entreprises les plus matures, ce qui confirme que la structuration en amont influence la performance des initiatives.

Des usages à deux vitesses

L’utilisation des outils numériques varie énormément selon la taille des organisations. Si 94 % des grandes entreprises utilisent un système de gestion intégré (ERP), elles ne sont que 25 % à le faire parmi les petites entreprises (moins de 5 employés). L’écart est tout aussi frappant pour les applications de conception assistée par ordinateur (74 % contre 32 %) ou les systèmes de production robotisés (55 % contre 13 %).

De manière générale, les niveaux d’interconnexion entre les systèmes demeurent faibles, même dans les entreprises plus avancées, ce qui limite le plein potentiel des technologies implantées.

Des innovations en attente

Les technologies 4.0 — robotique, intelligence artificielle, infonuagique, etc. — sont perçues comme prometteuses : 72 % des entreprises sondées les considèrent comme une opportunité, notamment pour améliorer la production (60 %) ou la gestion (58 %).

Mais leur adoption reste marginale : par exemple, seulement 20 % des organisations utilisent l’intelligence artificielle, et ce taux chute à 16 % pour les PME. L’infonuagique est la plus répandue (50 %), suivie par la robotique (34 %).

Ici encore, les grandes entreprises se démarquent, tant dans l’usage que dans l’intérêt pour ces technologies. Elles sont aussi les plus nombreuses à anticiper un impact fort de ces innovations d’ici trois ans.

Les freins à la transformation

Si la volonté d’investir est réelle, plusieurs freins ralentissent la transition. Outre l’absence de ressources spécialisées (34 %), le manque de connaissances (27 %) et les contraintes financières (22 %), d’autres réalités pèsent sur les dirigeants de PME. Beaucoup disent manquer de temps et d’énergie, accaparés par les urgences quotidiennes, au détriment d’une vision numérique à long terme.

S’ajoutent la guerre commerciale, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, la résistance au changement et les coûts initiaux perçus comme trop élevés. Dans plusieurs cas, les phases de transfert d’entreprise accentuent aussi la prudence des dirigeants, qui préfèrent différer leurs projets numériques.

Malgré cela, des experts soulignent que le retour sur investissement peut être rapide — parfois en moins de deux ans — et que l’automatisation, loin de supprimer des emplois, permet de sécuriser les opérations et de créer des postes à valeur ajoutée. Pour avancer, plusieurs recommandent aux PME de miser sur des projets pilotes simples et peu coûteux, afin de bâtir progressivement la confiance et d’obtenir les premiers gains tangibles.

Des aides qui font une différence

Un autre enjeu majeur reste la méconnaissance des programmes d’aide. Plus de la moitié des entreprises (58 %) ne connaissent aucun des programmes disponibles pour soutenir leur transformation numérique. Pour la majorité des entreprises sondées (58 %), une plus grande visibilité de l’offre, combinée à un accompagnement adapté à la taille des entreprises, apparaît comme un levier incontournable pour accélérer la transformation.

Certaines initiatives ont toutefois eu un effet concret. C’est le cas du Programme canadien d’adoption du numérique (PCAN), lancé en 2022. En trois ans, il a soutenu plus de 11 500 entreprises au Québec, dont une majorité de microentreprises. C’est la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) qui a veillé à son déploiement avec le réseau des Sociétés d’aide au développement des collectivités et des Centre d’aide aux entreprises (SADC+CAE).

Selon le bilan 2022-2025, 61 % des participants ont vu leur chiffre d’affaires croître, dont 44 % avec une hausse de 10 à 25 %, et 10 % avec une croissance supérieure à 25 %. La transformation numérique a aussi entraîné la création d’emplois dans près du tiers des entreprises aidées. Au-delà du financement, le programme a permis d’acquérir de nouvelles compétences : 84 % des répondants disent avoir développé une expertise numérique, et 78 % se disent prêts à entreprendre de nouveaux projets. Ces résultats démontrent qu’un accompagnement structuré et accessible peut véritablement accélérer le virage technologique des PME.

Même si les entreprises peinent à identifier les ressources disponibles pour appuyer leur virage numérique, il existe plusieurs programmes d’aide à la fois au niveau provincial et fédéral.

Le programme PCAN a toutefois pris fin en mars 2025. Plusieurs acteurs économiques et représentants d’entreprises appellent à une relance ou à la création d’un programme similaire, considérant les impacts positifs observés sur la croissance, la productivité et l’emploi des PME. Aucune annonce en ce sens n’a été faite pour le moment.

Autres bouleversements technologiques à l’horizon

Tandis que plusieurs entreprises québécoises peinent à combler leur retard numérique, l’évolution technologique s’accélère à une vitesse grand V, selon les projections de Gartner. Ainsi, d’ici 2028, 15 % des décisions professionnelles quotidiennes seront prises automatiquement par des agents d’IA, contre 0% en 2024. Ces systèmes autonomes, capables de mémoire, de planification et d’interprétation de l’environnement, pourraient agir comme des coéquipiers numériques au sein des organisations, selon la firme de recherche. Ces technologies ouvrent la voie à une automatisation avancée de la gestion de projets ou de l’analyse prédictive.

Parallèlement, l’essor de ces technologies intelligentes suscite de nouveaux impératifs en matière de gouvernance. Les plateformes de supervision de l’IA émergent comme une nécessité stratégique, promettant aux entreprises qui les adopteront des scores de confiance client supérieurs de 30 % d’ici 2028.

La sécurité face aux nouveaux défis

L’IA générative transforme également le paysage de la cybersécurité. Les systèmes de protection contre la désinformation se développent rapidement pour contrer la multiplication des deepfakes et des campagnes de manipulation. Gartner prévoit que la moitié des entreprises adopteront des solutions spécialisées d’ici 2028, contre 5% aujourd’hui.

Cette course à l’armement numérique s’accompagne d’une urgence majeure : l’avènement de l’informatique quantique menace de rendre obsolètes les méthodes de chiffrement actuelles d’ici 2029. Les organisations doivent dès maintenant planifier leur transition vers des algorithmes post-quantiques pour protéger leurs données sensibles.

La convergence homme-machine s’accélère

Plus spectaculaire encore, la robotique polyfonctionnelle promet de démocratiser l’automatisation. Ces machines adaptables, capables d’effectuer des tâches multiples en suivant les instructions humaines, pourraient amener 80 % des travailleurs à collaborer quotidiennement avec des robots intelligents d’ici 2030. Une perspective qui contraste avec la réticence actuelle observée au Québec, où la robotique n’est utilisée que par 34 % des entreprises manufacturières.

Et la tendance la plus audacieuse ? Les interfaces cerveau-machine, encore expérimentales, pourraient être utilisées par 60 % des travailleurs du numérique d’ici 2030 pour booster apprentissage, productivité et créativité.

Au-delà des prouesses techniques, ces technologies vont redéfinir fondamentalement la façon dont les entreprises opèrent, innovent et créent de la valeur dans un monde de plus en plus connecté. Celles qui sauront anticiper ces transformations prendront une longueur d’avance décisive sur leurs concurrents.

Ainsi, pour le Québec, l’enjeu devient double : rattraper le retard actuel tout en se préparant aux révolutions technologiques de demain.

Vous avez plus de questions? Nous y répondons.

Que signifie le virage numérique d'une entreprise? (définition)

Le virage numérique désigne l’intégration des technologies numériques au sein des pratiques d’une organisation, touchant autant la production que la gestion. Cette transformation digitale englobe la transition d’opérations traditionnelles vers des solutions technologiques avancées qui modifient les processus, les communications et les modèles d’affaires.

Concrètement, une entreprise prend ce virage en adoptant des outils comme l’infonuagique, l’analyse de données ou l’automatisation pour améliorer son efficacité opérationnelle. Cette démarche peut marquer le début d’une numérisation progressive ou d’une transformation plus globale de l’organisation, selon l’ampleur des changements entrepris.

Quels sont les 3 piliers de la transformation numérique?

La transformation numérique repose sur trois fondements indissociables qui déterminent le succès des initiatives technologiques. Le premier pilier concerne la technologie elle-même : l’adoption d’outils numériques adaptés aux besoins spécifiques de l’organisation, incluant l’automatisation des processus et l’intégration des systèmes.

Le deuxième pilier porte sur l’organisation : la restructuration des processus internes, la redéfinition des rôles et la mise en place d’une gouvernance claire pour encadrer les projets de transformation numérique. Cette dimension organisationnelle influence directement la performance des initiatives.

Le troisième pilier, souvent sous-estimé, concerne les compétences humaines et la culture d’entreprise. La formation des équipes, l’adhésion au changement et le développement d’une culture numérique constituent les clés de la transformation durable. Ces trois piliers doivent fonctionner en synergie pour maximiser les retombées de la stratégie de transformation digitale.

Quelles sont les 4 clés de la transition digitale?

Pour mener à bien cette transformation, quatre éléments fondamentaux déterminent le succès des initiatives technologiques.

La stratégie constitue le point de départ : aligner les objectifs numériques avec la vision globale de l’entreprise permet d’orienter efficacement les investissements. Cette approche structurée évite les projets dispersés et maximise les retombées.

La gouvernance représente le deuxième pilier essentiel. Établir une supervision claire des projets, avec des responsabilités définies et des processus décisionnels transparents, accélère la mise en œuvre et réduit les risques d’échec.

L’engagement humain forme la troisième clé : impliquer les équipes dès le début, les former aux nouveaux outils et créer une culture d’innovation garantit l’adoption durable des solutions. Les compétences numériques des collaborateurs déterminent largement la performance des initiatives.

L’optimisation continue complète cette approche : mesurer les résultats, ajuster les processus et maintenir une veille technologique permettent aux organisations de tirer pleinement parti de leurs investissements numériques.

Quelles sont les 4 clés de la transition digitale?

Prenons le cas d’une entreprise manufacturière générant un BAIIA de 800 000 $ annuellement. Les transactions récentes dans ce secteur révèlent des multiples VE/BAIIA oscillant entre 4x et 6x, avec une médiane à 5x. La valorisation s’établirait donc à 4 millions $ (800 000 $ × 5).

Considérons maintenant une société de services technologiques avec un BAIIA de 300 000 $. Ce secteur commande des multiples plus élevés, typiquement entre 8x et 12x, reflétant les perspectives de croissance supérieures. Avec un multiple médian de 10x, sa valeur d’entreprise atteindrait 3 millions $.

Dans le commerce de détail, une entreprise affichant 500 000 $ de BAIIA se valoriserait différemment. Les multiples sectoriels variant de 3x à 5x, elle pourrait valoir entre 1,5 et 2,5 millions $. Ces écarts illustrent parfaitement comment chaque secteur d’activité développe ses propres standards de valorisation selon ses caractéristiques économiques spécifiques.

Comment réussir la transformation numérique d'un cabinet au Québec? (plan, stratégie et conseils)

La réussite d’un projet de transformation numérique au Québec nécessite une approche méthodique adaptée aux réalités locales. Commencez par réaliser un audit de performance complet de vos processus actuels pour identifier les gains potentiels les plus significatifs.

Établissez une gouvernance claire en désignant un responsable dédié et en définissant des objectifs mesurables alignés avec votre chaîne de valeurs. Les programmes d’accompagnement gouvernementaux, comme ceux d’Investissement Québec, offrent un soutien précieux pour structurer votre démarche.

Privilégiez une implantation progressive : débutez par des projets pilotes ciblés qui génèrent des résultats tangibles rapidement.

Qu'est-ce que la transformation numérique? (exemple)

Prenons l’expérience client d’une entreprise de transport qui digitalise ses opérations. Traditionnellement, les clients devaient téléphoner pour réserver, payer en espèces et attendre sans visibilité sur l’arrivée du véhicule.

Avec la transformation digitale, cette même entreprise déploie une application mobile permettant de géolocaliser les véhicules en temps réel, d’effectuer des paiements sécurisés et de noter le service.

Cette mutation dépasse la simple numérisation : elle repense entièrement le modèle d’affaires en créant de nouveaux flux de revenus (publicités géolocalisées, partenariats avec des commerces) et en améliorant la satisfaction client grâce à une expérience client personnalisée et transparente.

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