Cet article sur la matérialité des facteurs ESG a été rédigé par Charlie Killingbeck, chez Moore Kingston Smith, une firme située au Royaume-Uni et membre du réseau Moore Global. Le point de vue de cet article est donc du Royaume-Uni, mais bien des informations peuvent s’appliquer au Canada également.
La matérialité des facteurs ESG
La matérialité n’est pas un nouveau concept, et sa définition n’a pas changé. Une information est importante lorsqu’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elle fasse une différence dans les conclusions tirées et dans les décisions prises par des parties prenantes raisonnables lors de l’examen de l’information connexe. Cependant, les informations considérées comme importantes se diversifient afin d’inclure les facteurs ESG, ce qui fait en sorte que de nouveaux concepts d’importance relative font leur apparition : la double matérialité et la matérialité dynamique.
La double matérialité veut dire que les facteurs ESG sont une sorte d’indicateur. En premier lieu, il est question des facteurs ESG internes d’une entreprise, ayant un impact sur l’environnement, sur l’économie et sur la société, par exemple les émissions de gaz à effet de serre et les pratiques en matière d’emploi. En second lieu, il est question des facteurs ESG externes à l’entreprise qui auront un impact sur sa capacité à créer de la valeur, comme les changements climatiques, ou encore le Brexit.
Ces deux volets sont interreliés sur le long terme : les entreprises qui n’auront pas mis en place de facteurs ESG internes à court ou à moyen terme seront plus à risque que les facteurs ESG externes diminuent leur valeur sur le long terme.
La matérialité dynamique, quant à elle, cherche à décrire cette fonction d’indicateurs ainsi que la façon dont les facteurs ESG externes passent d’immatériels à matériels. On peut penser à beaucoup d’exemples : #MeToo (#moiaussi), Black Lives Matter, la COVID-19 et une panoplie d’autres désastres naturels qui se produisent chaque année. Ces événements étant de plus en plus courants et fréquents, ils confirment le besoin criant d’une stratégie ESG robuste et agile, d’une structure de gouvernance et de pratiques de comptes-rendus pour des réactions rapides.
Le progrès ESG dans le secteur publicitaire
Comme dans tous les secteurs, les équipes de gestion et les actionnaires ont commencé à se pencher sur les facteurs ESG externes qui diminuaient leur valeur, ou qui leur permettaient de créer de la valeur. On peut citer en exemple les mouvements sociaux comme le #MeToo et le mouvement « Black Lives Matter », à la suite desquels les enjeux de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) sont soudainement devenus prioritaires.
Alors que certains des effets de ces mouvements portent déjà fruit, d’autres sont, sans aucun doute, en voie de faire leur apparition. Les organisations du secteur publicitaire et leurs clients cherchent toujours à améliorer la qualité de leur contenu en matière d’EDI, pour non seulement atteindre un public cible toujours plus diversifié, mais pour aussi comprendre comment celui-ci interagit et est influencé par le contenu. Afin d’atteindre ce but, les entreprises en média s’attaquent à la cause fondamentale interne : l’équité, la diversité et l’inclusion en milieu de travail.
L’environnement
De la même manière, l’environnement est en train de devenir un secteur prioritaire, et ce, de plus en plus rapidement. Les gouvernements à l’échelle mondiale se fixent des objectifs de neutralité carbone. D’ailleurs, au Royaume-Uni, l’objectif de décarbonisation de leur économie est fixé à 2050. De plus, pour les entreprises de taille moyenne (celles qui ne sont pas couvertes par le TCFD, ou Task Force on Climate-related Financial Disclosure), l’environnement offre l’occasion de se distinguer et d’être en avance sur les autres tout en évitant l’érosion de leur valeur à long terme. Les entreprises cherchent de plus en plus à calculer et à compenser leurs émissions de carbone liées aux déplacements et à la production de contenu. Les programmes de compensation et les stratégies visant à réduire les émissions à zéro d’ici 2050, voire plus tôt, sont en augmentation.
La Gouvernance
Au sein du marché intermédiaire, on prend moins en compte la protection des données, les droits de propriété intellectuelle (PI) et la vérification du contenu. Cependant, les équipes de direction feraient valoir que la conformité au RGPD (règlement général sur la protection des données) et aux lois sur la PI est suffisante à cet égard. Bien que cela soit vrai du point de vue de certains pays, opérer dans des juridictions en dehors de votre pays, en particulier celles qui n’ont pas d’environnements réglementaires sophistiqués et transparents, augmente le risque de violations.
La création de valeur ESG – portrait d’ensemble
La philosophie ESG est en expansion dans tous les secteurs et, lorsque ses critères sont utilisés correctement, ils peuvent créer de la valeur pour les parties prenantes au sein des organisations, tant sur le plan financier que commercial. Fondamentalement, les entreprises qui ne parviennent pas à intégrer les critères ESG perdront de la valeur à court terme et finiront par disparaître à long terme. Nous voyons déjà des preuves de cela sur le marché publicitaire :
Les chaînes d’approvisionnement
Les organisations, du début à la fin de la chaîne de valeur de la publicité, commencent à intégrer les critères ESG au sein de leurs cadres de diligence raisonnable existants vis-à-vis des fournisseurs. À mesure que ces cadres évoluent, les premiers adoptants qui auront identifié, intégré et mesuré leurs risques ESG significatifs commenceront à capturer des parts de marché.
Les investisseurs
La pression immédiate vient des investisseurs institutionnels exigeant des stratégies et des données ESG des fonds de capital-investissement. Les fonds de capital-investissement et les entreprises soutenues par le capital-investissement qui réalisent des acquisitions commencent désormais à prendre en considération les critères ESG, mais de manière inégale. Nous avons déjà constaté des opportunités d’investissement qui ont échoué en raison d’un manque de diversité au sein des équipes de direction ou encore en raison d’une forte concentration de clients issus d’industries négatives, telles que le pétrole et le gaz ou le tabac. En revanche, les organisations qui mesurent et qui rendent compte de leurs performances en matière d’ESG pourraient être en mesure d’obtenir une prime.
la réglementation
La publicité est déjà soumise aux lois sur la protection des données (GDPR) et sur la propriété intellectuelle (PI), lesquelles sont plus ou moins strictes dépendamment du pays dans lequel elles sont diffusées. Cependant, la conformité ne doit pas être tenue pour acquise, car à la fois la législation et la publicité évoluent continuellement. Il est essentiel que les organisations mettent en place des stratégies pour évaluer et pour surveiller en permanence les risques réglementaires, en réduisant autant que possible l’exposition. Les agences qui ont été en mesure d’adopter et d’intégrer les critères ESG seront mieux préparées aux futurs changements réglementaires.
la réputation
Les enjeux ESG ont maintenant le potentiel de causer d’importants dommages à la réputation des entreprises et à leurs marques. Les organisations qui ne prennent pas de mesures, ou encore qui agissent de manière irresponsable en pratiquant le « greenwashing » vont rapidement éroder leur réputation de bonne volonté auprès des clients et des fournisseurs.